Le Roman de Renart
Dans la série des livres qu'il n'est pas nécessaire de résumer.... J'appelle Le Roman de Renart!
(Ou comment je me fais parfois bien plaisir dans ce boulot, et que j'en profite pour alimenter ce blog)
Vous ne le savez pas, donc je vous le dis, mais s'il y a quelque chose que je lis avec presque autant de plaisir que la SF, ce sont les textes médiévaux. Autant dire que je me régale lorsque la grande loterie de l'EN m'octroie des 5e, ce qui est le cas cette année encore. Chaque année, je mixe d'anciens cours et de nouveaux, et mon dilemme de cette année était le souvent: le Roman de Renart, en oeuvre intégrale ou non? Sachant que tout ce qui existe en éditions accessibles à des collégiens rassemble différents extraits... Voilà pour une fois un article presque professionnel!
Pour préparer ce chapitre, je me suis fait plaisir en lisant tout un tas d'éditions...
Niveau "grand débutant": Le Roman de Renart, par Christian Poslaniec et François Crozat. Les illustrations nous montrent ici un Moyen-âge idéalisé, aux belles images en couleur d'une campagne rêvée où tous les animaux se côtoient et assistent aux forfaits du goupil lorsqu'ils n'en sont pas les victimes. Le texte est particulièrement intéressant car l'auteur a fait l'effort de le mettre en vers, respectant la tradition des clercs de l'octosyllabe, et nous présente ici les épisodes les plus connus des aventures du trompeur.
Niveau "un peu plus littéraire" (et résolument orienté "cours de français", ce qui à mon avis gâche toujours un peu...): Le Roman de Renart, collection Étonnants Classiques (GF Flammarion, 2008), établie par Christian Keime et Monique Lachet-Lagarde. La traduction a le mérite d'être exigeante, et j'ai particulièrement savouré le premier chapitre, "La naissance de Renart et Isengrin", qui présente les origines bibliques des deux compères. Le reste du texte est lui aussi fidèle au style moyenâgeux, reprenant souvent l'expression du jongleur à son auditoire, et n'ayant pas peur d'utiliser un lexique exact. Hélas... si c'est l'édition que je préfère, la fréquentation quasiment quotidienne de mes élèves de l'année me l'a vite fait écarter, malgré les nombreuses enluminures et copies de manuscrits qui l'émaillent.
La présentation retrace l'itinéraire de Pierre de Saint-Cloud et sa découverte de l'Ysengrimus, avec de nombreuses allusions à la littérature de l'époque, avant de présenter l'histoire du texte. Enfin, le dossier propose quelques jeux sans grand intérêt, mais surtout d'autres textes qui permettent d'approfondir la lecture du Roman. Bref, une édition que je trouve finalement très bonne, mais davantage pour le professeur ou une excellente classe.
L'édition Classicocollège (Belin Gallimard, 2010), par Pierre Mezinski et Marianne Chomienne, me parait beaucoup plus accessible au collégien moyen. Une très courte introduction précède un préambule en vers avant que les épisodes les plus connus ne se succèdent, entrecoupés d'"arrêts sur lectures" tout-à-fait envisageable en autonomie pour les quizz et en classe pour le reste. Le dossier qui suit propose lui aussi un groupement de textes à mettre en parallèle avec l'oeuvre, de nouveaux exercices de compréhension ou de vocabulaire? Quelques réflexions thématiques pas inintéressantes mais là encore davantage destinées à l'enseignant.
Mais... nous voilà dans le dilemme qui me ronge un peu trop souvent: ce qui est trop rendu accessible en devient édulcoré. Et les textes choisis ici valent le groupement de textes qui se trouve dans beaucoup de manuels... voire, sont en-deça de la qualité du Poslaniec dont je parlais plus haut.
Enfin, une édition bien littéraire et bilingue (juste comme j'aime!), le GF-Flammarion, établie par Jean Dufournet et Andrée Méline (1989 pour les exemplaires que j'ai eu entre les mains... ). Sans doute suis-je bien naïve... mais je suis presque scandalisée que ce texte ne soit pas davantage lu! L'introduction retrace l'histoire du Roman de Renart, de l'Ysengrimus, et présente de manière simple et efficace le regard porté par les clercs sur les vilains de l'époque, ainsi que la portée des différentes branches du récit. Très vite, on (re)découvre que les aventures de Renart n'étaient pas de simples historiettes pour les enfants, et vont bien au-delà des images d'Epinal d'un loup à la queue coincée dans la glace ou d'un goupil fuyant avec un chapelet d'anguilles. Que ce texte s'inspire aussi bien du fabliau que de la noble chanson de geste, que de l'actualité, que du quotidien de l'époque... et qu'il est passionnant, et pas seulement parce qu'il permet de dérouiller son ancien français!