Le parlement des fées (J. Crowley)
En une époque lointaine et reculée, il y avait cent blogs de lecture à tout casser, et je parvenais à lutter contre ma sauvagerie naturelle pour participer à des challenges (voire même des swaps, c'est dire). Époque si lointaine que je l'avais presque oubliée en tombant sur la proposition de Lisbei qui, comble du hasard ! tombait parfaitement avec ce à quoi je m'attelais.
On peut le dire ainsi. Se lancer dans le Parlement des fées, ce n'est pas rien, ni facile ni vite bouclé. Les deux tomes du livre avaient déjà un statut particulier dans ma bibliothèque, en tant que survivants du désherbage annuel de la bibliothèque où j'ai mes habitudes, et leur allure générale n'annoncent pas des soirées de page turning échevelé. C'est d'ailleurs un peu pour cette raison que je les ai avais choisis. Mon sommeil est capricieux, il me fallait à la fois quelque chose de suffisamment dense pour obliger mon cerveau à me concentrer, assez intéressant pour que je n'en décroche pas et assez calme pour que ça ne m'empêche pas de dormir. Une alchimie difficile.
Ceci étant posé, je peux le déclarer sans regret : Le Parlement des fées est une merveilleuse solution à l'insomnie, et ce n'est pas péjoratif, j'insiste.
De quoi parle-t-il, au fait ?
Smoky, jeune bureaucrate à la routine bien établie, fait la connaissance d'Alice. Ils s'aiment, décident de se marier et Smoky prend la route pour rejoindre la maison familiale d'Alice en obéissant aux étranges lubies d'une vieille tante (voyager à pied, avec un sac à dos, n'emmener qu'un sandwich préparé par lui-même...). Il débarque alors dans une maison extraordinaire, fruit du travail d'un ancêtre architecte qui la voulait galerie d'exposition et maison absolue, mêlant les genres et les époques, la rendant méconnaissable selon l'angle d'où on la regarde.
La maison n'est pas le seul objet de fascination pour Smoky. Il découvre aussi l'histoire familiale de sa jeune épouse, et surtout, en filigrane, les liens que les occupants de la vieille demeure pensent avoir avec le Petit Peuple.
Difficile de résumer ce roman où l'intrigue est à la fois ténue et multiple. Si nous entrons à Edgewood avec Smoky, il devient secondaire de longs chapitres durant avant de revenir au premier plan, à l'instar de tous les autres personnages, qui tissent progressivement une vaste toile d'indices et de détails bucoliques, humains, bien réels, tandis qu'on se demande plus d'une fois quelle est la part de mythe, de folie ou de réalité dans ce peuple qui vivrait avec nous sans se montrer.
Une lecture longue et reposante, fatigante peut-être aussi quand elle s'enlise dans la dépression d'Aubéron, fils parti à la ville pour mieux rentrer, mais qui a aussi la densité d'un roman classique et donne envie de se lover au coin du feu, un thé à la main.