Sanshodo - La voie des trois vérités (Jean Milleman)
Ô que voilà une belle surprise...
Je l'avais mis dans ma liste du mois dernier parce que j'étais curieuse de le lire, après divers avis oubliés (oui, c'est le meilleur usage que je fais des critiques/chroniques/autres : quand quelque chose semble susceptible de m'intéresser, je note le titre et m'y plonge quand j'ai l'illusion de ne rien en savoir). La surprise vient de ce que j'avais imaginé et de ce que j'ai trouvé : Ad Astra ? J'en ai lu Les Pilleurs d'âmes (que j'ai adoré), Et pour quelques gigahertz de plus, bien aimé mais sans plus. Et commencé Métaphysique du vampire (mis de côté et pas encore repris). Ces trois titres ont un commun l'aventure pure et dure, une fausse légèreté qui rend la lecture facile sans être pauvre pour autant. Dans tous les cas, un éditeur qui me plait. L'auteur ? Connu seulement de nom, sans être capable de dire pourquoi. Le titre ? Une histoire d'influence japonisante, sûrement. Je crois que c'est ce dernier a priori qui m'a fait l'ouvrir en dernier.
Dès les premières pages, tout ce que j'imaginais a été balayé. Sanshôdô réunit trois nouvelles qui prennent pied dans le même univers : les aliens, un certain nombre d'espèces, ont pris contact avec les terriens, soucieux de ne pas négliger ces créatures sapiens.
Lanatkka-Nagui, est le récit du premier humain à se déplacer sur la station orbitale alien, afin de préparer au mieux l'organisation de celle-ci pour accueillir ses semblables de la catégorie "dignitaires". Il y découvre des espèces qui ne sont pas encore venues sur Terre, dont une Nagaï, créature humanoïde écailleuse, mais qui possède la douceur de l'intelligence et de la sagesse. Bien sûr, l'homme envoyé est missionné par ses supérieurs pour glaner un maximum d'informations et en faire profiter son pays, puisqu'il est évident que les aliens sont louches, ont tout à apporter et cachent l'essentiel aux hommes... or, si les E.T. sont bien d'accord sur quelque chose, c'est le partage de la connaissance, justement. Les technologies et la science n'ont pas de sens dans le secret. Un fossé sépare les cultures et les espèces, mais ce sont des individus qui se rencontrent ici, et s'aiment, et se complètent, dans une utopie qui prend surtout la forme d'un dialogue aux accents philosophiques et qu'on aimerait voir durer.
Il s'achève pourtant avant le second récit, Leboeuf se paye une toile. On doute du rêve d'une cohabitation hommes/aliens sans heurts à l'ouverture de cette nouvelle : Leboeuf est policier, chargé d'enquêter sur une scène de crime incluant hommes et Araignée, du surnom d'une espèce entrée en contact avec l'homme. Or, il est à nouveau question d'amour ici, et de découverte de l'autre... là encore, la rencontre a mal tourné, mais sa fin tragique est le résultat du tâtonnement face à la nouveauté de l'autre.
Le dernier texte, Trois petits pas sur le chemin de la sérénité, fait écho au premier, prolongeant l'échange autre l'Homme et l'Autre. Cette fois encore, un homme va à la rencontre d'un alien, mais sur sa planète cette fois, non plus dans un lieu aménagé. Juriste (ou peut-être philosophe ?), il a la chance d'aller à la rencontre de l'Ancien, plus vieil être vivant de l'univers, pour partager sa sagesse. L'idée de départ était d'avoir de la matière pour résoudre les inévitables litiges qui se poseraient entre E.T. et terriens. Une cérémonie du thé plus tard, à l'instar du héros du premier récit, l'homme sait que le détail légal est foutaise et que ce qui permet aux intelligences de vivre ensemble réside ailleurs;
J'ai adoré ce recueil. J'aime les récits noirs et sombres car je les trouve bien souvent plus efficaces que ce qui est rose, je crains toujours de tomber dans la mièvrerie, nous sommes à des années-lumière de l'angélisme ici. Et pourtant. Et pourtant, ces nouvelles sont belles, par leur écriture, déjà, mais par les idées qu'elles développent surtout, que ce soit celle du sapiens toujours en quête de son prochain, qui ne peut que lui apprendre, ou celle du partage de la connaissance comme richesse... il y a un espoir et un humanisme profond dans Sanshodo. L'optimisme et la foi en l'homme... ça fait du bien, en fait.