Cette crédille qui nous ronge (Roland C. Wagner)
Bien que j'avais largement entamé Les Futurs mystères de Paris, je n'avais pas relu de Wagner depuis le mois d'août. Une vilaine crispation m'aurait empêché d'en profiter vraiment. Ma moitié poilue a eu la réaction exactement inverse, voilà comment bonne quantité de titres ont rejoint nos étagères, parmi lesquels cette étrange bestiole de Caza sur une couverture. Dès qu'il l'a entamé, le fameux "Il faut que tu le lises !" a retenti... et c'est ainsi que Cette crédille qui nous ronge fut ma dernière lecture de bus.
Enfin, le premier jour.
Parce qu'assez vite, j'ai trouvé bien dommage de le laisser reposer chaque jour jusqu'au lendemain.
Le narrateur, Quartz B, se réveille après un sommeil de quinze ans, correspondant exactement au voyage de la Terre jusqu'à la lointaine Océan. Il y accompagne un diplomate dont il est censé garder le corps, ce qui est bien tout ce qui pourrait lui rester à faire puisqu'à sa reprise de conscience, causée par la perte d'un bras dans le trajet, l'homme est mort dans une stupide avalanche. Or, la mission qui l'attend est bien différente de ce à quoi il était préparé : en tant que représentant de la Terre, c'est lui qui va devoir régler la cruciale Question Alimentaire, opposant Végétares et Carnives sur ce monde où aucun prédateur n'existe, quand le souvenir cuisant d'une Terre aux ressources épuisées invite à l'alternative végétarienne sans se poser de questions.
Avec l'enquête de Quartz, qui découvre vite que les conditions de son arrivée et de son réveil sont plus que suspectes, Wagner déploie une bien belle fable écologiste, pleine de bêbêtes plus choupignonnes les unes que les autres, et cela sans mièvrerie aucune (ce qui n'est pas évident, quand on parle de choupignonitude, vous en conviendrez). Derrière ces aventures, plutôt qu'un message, c'est à une vraie réflexion sur ce que nous sommes et mangeons que nous voilà invités, le tout dans un style bien particulier, mêlant néologismes à la Burgess et bestiaire de Caza. C'est bon, c'est beau, et ce n'est pas touchant seulement parce que l'auteur nous a quittés trop vite.