Les aventures d'Huckleberry Finn (Mark Twain)
Tom Sawyer (c'est l'Amérique) a bercé mon enfance, et lire La Longue Guerre (dont je vous parlerai peut-être un jour), où voyager à bord de Twains se fait le plus naturellement du monde, m'a rappelé la présence des aventures de Huck sur une étagère, à défaut de celles de Tom dont nous avons ici la suite directe.
Recueilli par celle qu'il appelle La Veuve, Huck n'est prêt ni à renoncer à une vie d'aventure, ni à se plier aux bons usages, même s'il y met une certaine bonne volonté. Son père, alcoolique notoire, finit par l'enlever, bien décidé à reprendre le contrôle de ce fils enrichi de 6000 dollars qu'il refuse de lui céder, l'ingrat. Or, Huck a plus d'un tour dans son sac et maquille sa fuite en meurtre pour mieux aller se cacher dans l'île Jackson, où il croise Jim, l'un des esclaves de la Veuve en fuite lui aussi. Et c'est ainsi que débute l'aventure : en quête de tranquillité, les voilà qui descendent le Mississippi vers des états où Jim sera libre et pourra espérer racheter sa famille.
Contrairement à ce que ce résumé pourrait laisser penser, foin d'une histoire grave ou dramatique ici. Huck, en narrateur digne de ce nom, nous fait partager non seulement ses péripéties, mais aussi ses réflexions sur le monde, qui tournent autour de ce sujet crucial : son amour profond de la liberté. Le paradoxe est ainsi d'autant plus fort, car le fugitif qui l'accompagne n'est pas n'importe qui, c'est un Nègre, possession de la veuve qui a été si bonne pour lui... et ce qui se lit pourtant le sourire aux lèvres prend un sens nouveau. C'est l'esprit des états esclavagistes qui a formé Huck, qui n'en demeure pas moins un compagnon aussi fidèle que Jim peut l'être pour lui.
Je me suis régalée, sans pour autant oublier la question qui me taraudait au début de ma lecture : à conseiller à des collégiens ? Mon exemplaires antédiluvien a pour origine le désherbage d'une bibliothèque de collège, il y a bien eu une époque où certains l'ont fait. Je me verrais le proposer, mais je serais chagrinée de le faire sans accompagnement, donner la parole à Huck fait à la fois un texte riche, dense, pas du tout politiquement correct mais si jubilatoire qu'il serait dommage de passer à côté.