Morwenna (Jo Walton)
J'ai beaucoup lu ces derniers temps, et ce n'est pas le choix des sujets qui manque pour fournir de nouveaux articles à ce blog. J'aurais même pu me dire que les visiteurs égarés ici ont déjà entendu parler de Morwenna, qui n'est pas passé inaperçu à sa sortie, et pour cause. Pas moins de trois prix prestigieux (un Hugo, un Nebula, un British Fantasy, il nous manque le Locus, mais j'ignore quelles sont les dates butoir pour y être éligible... et entre nous, vu qu'un certain Neil Gaiman l'a obtenu cette année, la surprise serait plutôt de ne pas trouver le nom de Jo Walton dans la short list).
Quand les cris au chef d’œuvre sont aussi unanimes, il y a de quoi se méfier, mais quelques lecteurs de mon entourage qui ont toute ma confiance se sont enthousiasmés aussi, et voilà, à mon tour, j'ai lu Morwenna.
Morwenna a une quinzaine d'années et vient d'être confiée à la garde de son père, disparu à sa naissance. Sa sœur jumelle a perdu la vie dans un accident de voiture, accident dans lequel Morwenna a elle-même été gravement blessée au point de ne plus pouvoir espérer marcher sans canne. Un bien maigre chagrin à côté de celui d'avoir perdu sa moitié. La folie de sa mère pousse Morwenna à fuguer pour se réfugier auprès des services sociaux, qui la confient à cet inconnu qu'est son père.
Inconnu, vraiment ? Sans s'être jamais parlé, ils ont pourtant en commun le goût de la lecture, et de la science-fiction en particulier. Leur relation n'a pas le temps de se développer, Morwenna se retrouvant inscrite dans le sombre pensionnat qui a déjà vu passer ses tantes, mais le lien de Morwenna aux livres ne fait que s'étoffer et se confirmer, omniprésent dans le journal qui nous dévoile son quotidien, et mêle son esprit rationnel et cartésien à ses relations étonnantes avec les fées. Car Morwenna a grandi dans ces régions sinistrées du Pays de Galles où les anciennes fonderies sont devenues friches, abritant le Petit Peuple avec lequel elle a noué des liens durant toute son enfance...
Et pourtant. Morwenna est aussi un roman terriblement réaliste et rationnel, qui ne peut que faire vibrer avec intensité le cœur de tout lecteur amoureux des livres, des bibliothèques et des librairies, a fortiori celui de SF qui connait ces soirées entre passionnés à se demander si tel ou tel auteur ne se serait inspiré de tel autre, à s'émerveiller devant les portes de réflexion ouvertes par tel roman, de la magie qui se dégage de tel autre... il démontre à quel point cette activité par définition solitaire qu'est la lecture crée des liens forts, rapproche, épanouit, bref, rend heureux.
La liste des bloggueurs qui ont lu Morwenna avant moi est trop longue pour que je les cite tous, mais vous pouvez lire l'avis de Lisbei, d'un Papillon dans la lune, de Lorkhan, de Cornwall, A. C. de Haene, Efelle... et s'il est encore besoin de preuves, cette ode à la lecture est déjà l'origine de son propre challenge.