Rama II (Arthur C. Clarke, Gentry Lee)
Lire Rendez-vous avec Rama fut un plaisir incroyable qui fit qu'en sortir fut une frustration immense. Vous connaissez, cette crainte d'arriver au bout d'un roman dans lequel on se sent bien ?
Autant vous dire que j'ai totalement snobé les monstrueuses étagères pleines de livres à lire et le gros sac de trouvailles à la médiathèque pour directement me jeter dans Rama II. Vous qui envisagez de lire Rendez-vous avec Rama, allez-vous-en, allez le lire, tout de suite. Ici, vous serez spoiliés, et ce serait cruel.
Ô mes amis.
J'ai eu du mal à en croire mes yeux dès les premières pages. Nous voilà projetés une cinquantaine d'années après la visite de l'artefact extraterrestre qui avait soulevé tant de questions et d'émerveillement (et pas que chez les personnages), alors que le monde a connu une crise telle que l'humanité s'est repliée sur Terre, incapable d'assurer la survie de ses colonies planétaires. Néanmoins, l'homme garde un oeil sur ce qui se passe dans l'espace, et ce que voulait la logique - rappelez-vous, les Raméens font tout par trois - arriva : au loin, un nouveau vaisseau se profile. Une équipe est prête, et se veut bien préparée cette fois : Rama dévoilera ses mystères, qu'elle le veuille ou non.
Et déjà là... ça va mal. Très mal, même. Les personnages de Clarke (à l'époque bénie où, une quinzaine d'années plus tôt, il écrivait seul) étaient à la fois des scientifiques, des explorateurs et des aventuriers professionnels, fascinés par la poésie du monde qu'ils découvraient. Des gens intelligents, réfléchis, et pourtant profondément humains, au service d'une histoire de l'humanité face à l'Autre, au grand Inconnu venu de l'espace, qui rappelle à l'homme son insignifiance. La dépression m'a gagnée pendant bien 250 pages avant que je ne commence vaguement à trouver l'ombre de ce que je cherchais.
Avant que la mission ne décolle enfin, le lecteur croise en effet une galerie de portraits qui m'a surtout donné envie d'abandonner : la journaliste ex-mannequin prête à tout pour réussir (m'enfin ? Une journaliste dans ce genre de mission ? Et quand bien même, personne n'est assez malin pour sentir le loup dans la bergerie ? ), et la très, très mystérieuse doctoresse aux origines métissées apparaissent vite comme les personnages qui seront au centre de l'intrigue. Ce n'est plus Rama le sujet du bouquin. Mais des humains qui m'ont lassée, agacée, aussi bien par la grossièreté des clichés qu'ils trimballaient que par leur bêtise.
Sans parler des événements sur Rama... ils sont censés être les meilleurs, les plus intelligents, les perles de l'humanité. Les protocoles préparés sur Terre semblent oubliés, le lecteur voit arriver les rebondissement à des kilomètres... Mais pas eux.
Bref déçue, déçue, déçue.
Un peu plus objectivement, ce n'est pas un si mauvais roman que ça. Par contre, le lire immédiatement à la suite du Rendez-vous est une idée mauvaise, surtout si on a été porté comme je l'ai été. Et j'avoue que j'avais adoré et vénéré Clarke à la lecture des 2001, 2010 et Cie, à l'époque lointaine où je découvrais la SF, et que la frustration est d'autant plus grande, surtout ajoutée au sentiment étrange de ne pas reconnaitre un maître parmi les anciens de la SF...
Là où j'ai un cas de conscience, c'est que j'ai sous la main les Jardins de Rama et Rama révélé. Même si j'ai de pleins de camions de reproches à faire à Rama II, je reste sacrément curieuse de voir ce que donnera la suite, la magie de Rama opère encore et ne pouvait disparaitre si facilement.